Bien trop petit, Manu Causse

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♠ Titre : Bien trop petit

♠  Auteur : Manu Causse

♠ Éditeur : Thierry Magnier (L’Ardeur)

♠ Année de parution : 2023

♠ Nombre de pages : 400

♠ Genre : tranche de vie /érotisme

Bonjour ! La chronique de ce livre fait suite à de longues recherches et réflexions pour le secteur jeunesse /ado dont je suis référente dans mon réseau de médiathèques. Depuis des mois maintenant, la collection L’Ardeur vient s’incruster dans nos étagères ado via la bibliothèque départementale et nous nous creusons la tête en équipe pour savoir comment les faire vivre. Et puis, le 17 juillet 2023, le Ministre de l’Intérieur a interdit le roman Bien trop petit, de Manu Causse, à la vente aux mineurs (mais pas à tous, comme j’ai pu le voir dans certains commentaires sur divers sites d’actu littéraire ou métier).


La 4ème

Grégoire est à deux doigts de ne plus jamais sortir de sa chambre. Tout, plutôt que retourner au lycée où un camarade de vestiaires s’est moqué de la taille de son sexe.

L’adolescent en est à présent persuadé : sa vie est fichue, il finira seul – et sans doute puceau. Il se plonge dans le seul plaisir qu’il lui reste : l’écriture. Max Egrogire et Chloé Rembrandt, ses personnages de fanfiction, lui font oublier sa détresse.

Mais leurs aventures imaginaires attirent l’attention. À travers une étrange correspondance qui se tisse alors, Grégoire va découvrir que désir et plaisir sont peut-être moins liés à son anatomie qu’il ne le croyait…

Appréciation

C’est donc un roman sur un lycéen complexé par son petit pénis. Manu Causse propose ici un roman engagé, qui parle de harcèlement, de féminisme, de pornographie. Suite aux moqueries d’un camarade de classe, Grégoire s’isole, refuse de retourner au lycée affronter son harceleur. Et donc, il se consacre à l’écriture ; seulement, il se laisse surprendre par la tournure sexuelle que prennent les aventures de ses personnages. Son chapitre, remarqué, se fait à la fois bannir de la plateforme de partage de créations et repérer par une certaine « Kika 93 » qui lui demandera plus de ces nouvelles aventures coquines.

Étrange exercice pour moi d’écrire la chronique d’un roman érotique. L’érotisme ici réside dans les mails envoyés par Grégoire à Kika, pas spécialement en dehors. Par contre, c’est très chaud, très explicite. C’est d’ailleurs ce qui a gêné la Commission de Surveillance et de Contrôle des Publications pour la Jeunesse, qui note plusieurs passages problématiques dans son rapport ; ce sont toutes des scènes fantasmées par Grégoire dans ses échanges avec Kika.

Sauf que voilà : présentant mon dossier sur l’érotisme et les jeunes adultes à mes collègues la semaine prochaine, j’ai déjà pas mal en tête les publications qui font aujourd’hui fureur sur Booktok. Je pense notamment à Captive, toujours en tendances. Ce roman, explicite par de nombreux aspects lui aussi et romantisant la violence, ne tombe pas sous le couperet de la censure. Bien trop petit, lui, est complètement woke (dit ici dans son sens positif hein), prône la bienveillance, détruit la pornographie, encense le sexe consenti et inventif. Et lui se retrouve interdit aux mineurs, ces mineurs mêmes qui sont le lectorat cible du roman… Mais pas d’autres romans qui glorifient le sexisme et la culture du viol.

Alors attention, je ne veux pas être censeuse à la place des censeurs. Dans le réseau, nous aurons aussi bien Captive que Bien trop petit (ou d’autres titres de L’Ardeur, comme Queen Kong ou Apprivoiser l’été) ; faire confiance à nos lecteur.ices, avertir et faire de la médiation, c’est le sens de notre métier. Et surtout,  ne pas faire sans arrêt l’autruche quant aux envies des ados, et perpétuer nous-mêmes le tabou et le goût de la pornographie.

Surtout que le roman de Manu Causse est loin d’être un mauvais roman. Il pose de bonnes questions, des questions que les ados se posent, et y répond en se mettant dans leurs chaussures (ou plutôt les siennes, version ado de quinze ans). Le protagoniste est tout à fait crédible, avec ses interrogations et ses complexes, et j’ai trouvé ça drôlement bien de pouvoir lire ça dans un bouquin plutôt que sur un forum aléatoire type doctissimo.

Je ne le classe pas en coup de cœur, je pense avoir été parfois un peu à côté, n’étant plus ado. Et j’ai bien conscience d’avoir ici écrit une chronique un peu étrange, peu habituelle, et j’espère qu’elle vous intéressera quand même !

Vous pouvez aussi aller découvrir le hashtag #wheniwas15, lancé par Nicolas Mathieu en soutien à Manu Causse.

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